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Chili sin carne
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10 janvier 2012

Journée culturelle pour échapper au froid

Hier, ma casquette n'aurait pas été de trop. Aujourd'hui, le bonnet s'impose ! Environ 8°C et beaucoup de vent, ciel nuageux. Avec deux polaires, je suis parée pour affronter le froid. Mais quel souvenir aurais-je gardé d'Ushuaïa si je n'avais pas connu tous les temps ? Seule l'averse de neige en plein été n'aura pas été au rendez-vous. C'est donc une journée parfaite pour arpenter les musées.

Je commence par me recueillir à la iglesia de la Merced. A mon grand étonnement, l'histoire n'a laissé aucune trace ici. Même pas un panneau pour dire que ce sont les prisonniers qui ont construit l'église. Sans doute a-t-elle été reconstruite depuis ? Direction ensuite le musée Yamana. Je ne comprenais pas d'où venait ce nom Yamana. Le seul nom indigène du coin ressemblant était Yaghan. J'ai la réponse. En réalité, les indigènes vivant dans cette partie de la Terre de feu s'appelaient les Yamanas. Mais ce bon M. Thomas Bridges, en parfait ex-missionnaire, n'a pas pu s'empêcher de changer le nom et de le transformer en Yaghan. Les ancêtres de ces indigènes se sont donc établis ici il y a 7000 ans. Il y avait quatre ethnies différentes, mais les Yaghans étaient installés sur les terres les plus australes. Ils y vécurent tellement en paix qu'il n'y avait pas de chef et que hommes et femmes avaient les mêmes droits. Les couples devaient d'ailleurs être parfaitement coordonnés lorsqu'ils pêchaient le phoque et la baleine. Car leur principale activité était de se nourrir. Ils mangeaient aussi des cormorans et des pingouins, lesquels étaient tués avec un coup de massue. Chasseurs, ils couraient après les guanacos et pointaient leurs flèches vers les oiseaux.

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Puis sont arrivés les premiers Européens attirés par la présence de baleines et de phoques dont ils entendaient tirer profit, privant ainsi les indigènes d'une partie de leur nourriture. Nomades, les Yaghans se promenaient nus et s'en portaient très biens. Ils vivaient dans des tentes pas encore étanches et se séchaient grâce aux feux qu'ils faisaient à l'intérieur de la tente et sur les canoës avec lesquels ils naviguaient. Et ils bougeaient beaucoup, il était hors de question de s'encombrer de vêtements. Ceux-ci auraient eu du mal à sécher à cause de la pluie fréquente. L'accumulation des détritus alimentaires qu'ils jetaient devant la porte de leur tente était également une raison de bouger. Le jour où le tas était trop haut pour sortir, il fallait construire une tente ailleurs. Les Yaghans régnaient seuls sur cette terre. Puis en 1869, la mission anglicane se pose à Ushuaïa.

A partir de cette date et jusqu'à 1900, les Yaghans sont moins nombreux chaque année, ont moins de terres et cessent d'être nomades. Les maladies apportées par les Européens sont la principale cause de leur disparition. Ces hommes blancs trouvent aussi normal de les vêtir, ce qui a pour conséquence de les rendre malades, car les vêtements ne sèchent pas, les bactéries s'agglutinent et ils tombent comme des mouches. Comment la volonté de civilisation a décimé une population. Les Yaghans étaient 2500 en 1860, ils ne sont plus que 300 en 1893 et en 1907, la Mission s'arrête parce qu'il n'y en a plus. Aujourd'hui, les quelques descendants des Yaghans vivent à Puerto Williams, la ville la plus australe du monde. C'est Magellan qui, en 1520, donna le nom de Terre de feu à cet endroit parce qu'il voyait des feux partout. C'est tout ce qui'l reste d'un peuple qui se croyait propriétaire de sa terre et que les pères transmettaient à leurs fils.

Il fait toujours aussi froid quand je sors. Le musée du bout du monde n'est pas encore ouvert, alors je file au Musée maritime qui occupe l'ancien pénitencier. La structure est la même qu'à la construction. Un plan en étoile, avec cinq pavillons qui partent d'un hall commun pour une meilleure surveillance. Les cellules ont été conservées et le contenu du musée s'est adapté à cet espace parfois restreint. Une aile entière est restée à l'état de cellules, sauf que les portes sont ouvertes. Une galerie d'art s'est installée dans une autre partie avec des peintures assez minables. Quant à l'étage qui accueille le musée des Beaux-Arts, il est agrémenté par de la musique. J'ai observé mes premières peintures marines avec, en fond sonore, un remix de Dalida ! Enfin, la dernière aile est consacrée à la vie d'Ushuaïa autrefois.

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C'est en 1884, date de la fondation de la ville d'Ushuaïa, qu'il est décidé de construire un bagne, à l'image de la France qui a le sien en Nouvelle Calédonie et de l'Angleterre en Australie. Au début, ce ne sont que des baraquements, mais en 1896 arrivent les premiers prisonniers. L'idée était de coloniser l'île. Alors, puisqu'il y a de la main d'oeuvre, l'état va s'en servir ! Ce sont donc les prisonniers eux-mêmes qui vont bâtir leur prison. Et comme il faut les occuper, ils construisent aussi le chemin de fer qui les emmène vers la forêt où ils sont priés de couper du bois ! La prison devient un véritable centre d'activité avec une imprimerie, des ateliers de chaussure, de tailleur. Et quand les bagnards sortent, c'est pour construire des rues et des ponts.

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Il y eut jusqu'à 600 prisonniers. Il faut dire que s'évader n'était pas aisé. Sauf à bénéficier de complicité, l'aventure était impossible et ceux qui y parvenaient étaient repris au bout de quelques jours, affamés et transis par le froid. Quant à ceux qui ne furent pas rattrapés (peu nombreux), on ne sut jamais s'ils survécurent ou s'ils périrent. En 1947, le bagne fut fermé suite à des changements de statuts du gouvernement national. En 1950, la base navale a pris le relais et l'immigration italienne a aidé à maintenir l'activité de la ville.

Il fait toujours aussi froid en sortant, si ce n'est plus. J'ai renoncé au musée du bout du monde et suis rentrée me mettre au chaud où Javier, le patron du B&B, m'a offert un thé comme chaque fois que je suis revenue d'expédition. Il faudra que je lui demande avant de partir pourquoi il a appelé son business Martin Fierro. C'est en tout cas une adresse très chaleureuse.

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Mon séjour à Ushuaïa s'achève. Demain matin, je pars en bus pour Punta Arenas. Les gens de là-bas me diront-ils aussi que l'agence untel ou le supermarché untel est à trois "cuadras". Le block américain s'est bien exporté. Mais je pense que la grande ville du sud du Chili sera trop loin de l'Antartique pour promener des hommes déguisés en pingouins devant ses magasins afin d'y attirer le chaland. A Ushuaïa, ils ont même le culot d'infliger au pingouin la présence d'un ours ! Comme si l'ours était aux portes de la ville ! En attendant, il a fait aujourd'hui 40°C à Buenos Aires et déjà les prévisions pour la récolte de soja et de maïs sont mauvaises. Gare aux prix qui vont monter partout dans le monde. C'en est finit de l'Argentine pour le moment. En regardant la carte météo du sud du pays dans un journal, j'avais l'impression de voir l'Espagne amputée du portugal. Comme si il manquait une pièce de puzzle. Faites l'expérience, vous verrez que quelque chose cloche.

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Commentaires
H
Buenjour ! jo avé pas vu la foto avec le couloir de la prision.Ou plutot bien je n'avé pa cliké desu. Jo pensé en le voyan aux genéracions (tions?) de prisoniers qu'ils se ont succédé ici et le mien coeur s'est serré trop forte avec cette emocion ! A bientot jo vous dit
H
A moi me goute toujours + de lecturer le votre bolg. Jo ne connaise pas Patagonia et je vivre votre voyage comme procuracion. Continua par faveur l'ejercice durable de écrire
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