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Chili sin carne
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16 janvier 2012

A l'assaut des Torres

Départ à 7h30 pour le parc Torres del Paine. Au bout d'une heure de route, nous quittons l'asphalte pour une piste cahoteuse. En toile de fond, les cimes du Torres del Paine ne nous quittent pas. Il fait un temps superbe. J'ai l'impression de ne pas avoir vu un tel bleu dans le ciel depuis très longtemps. Nous sommes arrêtés sur la piste par un troupeau de vaches et leurs veaux menés par trois gauchos et leurs chiens. Les appareils crépitent. Béret noir et blouson de cuir ciré par la pluie et le vent, les gauchos jouent des lèvres pour siffler et encourager le troupeau à avancer. Quand ce n'est pas suffisant, ils sortent le fouet qui s'abat aussi bien sur les chiens que sur le cheval ou les bovins. La plaine ocre et verte revient autour de nous, les Torres s'éloignent. Guanacos et nandus paissent en regardant les bus passer. Le temps de louer une tente, de faire une réservation dans un autre endroit pour la nuit suivante, il est 11h30 et je commence à arpenter le chemin qui mène à Las Torres.

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Elles sont à 9 km et il va falloir monter 880 m. Le temps estimé est de 4 heures. Commencement lent : je sors mon téléobjectif pour photographier des oiseaux ! Le début du sentier, lui, est une véritable épreuve pour moi. Il faut traverser un pont dansant qui ne doit pas être très solide puisque seulement deux personnes sont autorisées à monter dessus ensemble. En guise de rembarde, du fil de fer barbelé. Je prends mon courage à deux mains et me lance. La première partie qui mène au refuge El Chileno commence par un peu de plat, mais très vite n'est que montée. Sans aucun abri et c'est le premier jour de véritable chaleur que j'expérimente depuis mon arrivée. Bien entendu, j'ai embarqué ciré et polaire. J'entends un pas courant derrière moi. Je pense à un cheval. C'est un randonneur qui a un sac à dos presque aussi grand que lui. Il arpente le sentier en courant. Il coure tellement qu'il ne prend pas le bon embranchement et est la risée de ses compagnons de route. Il est rouge comme les poivrons hollandais sur nos étalages en hiver. Une chose est certaine dans ce parc : on ne peut pas y mourir de soif, toute l'eau des rivières est potable.

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Car il en faut de l'eau pour grimper. Après avoir joué les équilibristes sur le sentier qui coupe la pente exactement en sa moitié, un grondement se fait entendre. La rivière est là, en bas et coule avec énergie. D'autres ponts seront à traverser et chaque fois le bois a été économisé : trois rondins pour les pieds, un pour les mains d'un seul côté. Jusqu'à El Chileno, ça monte, ça monte. Une mouche a la prétention de m'accompagner. Ou plutôt de me coller. Tels les indignés de la place Tahrir, je lui crie : "Dégage!" Mais rien n'y fait. Alors je me prends pour le capitaine Haddock et avec mon bâton, je fais des ronds dans l'air pour la chasser. Elle ira coller le coupe d'Allemands qui me suivent. Quelques arbres serrés les uns contres les autres bordent le sentier, mais il reste à découvert. Deux heures après mon départ, je suis à El Chileno où une pause déjeuner est la bienvenue. J'y croise un jeune Anglais qui était dans le même bus que moi entre Punta Arenas et Puerto Natales. Il descend des Torres, son écharpe Burberry parfaitement ajustée. La classe britannique. Je pique-nique tranquillement face à une montagne en forme de parfait triangle où des îlots de verdure s'accrochent.

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Puis j'entame le chemin vers les Torres. C'est soudain beaucoup plus agréable. Le sentier s'enfonce dans la forêt de lenguas, la chaleur se dissipe et... c'est plat ! Es una trampa ! Car il reste 480 m à monter. Où est donc la montée ? Ce n'est qu'après 1h30 d'efforts que, de manière très inattendue, le sentier monte vers les cimes. Mais les kilomètres se sont déjà accumulés dans les jambes. Et la montée est sèche. Au bout d'une demi-heure, le découragement me guette. Beaucoup de gens redescendent, les bienheureux qui ont pu partir plus tôt. Le sentier n'est plus que pierres qui font mal aux pieds. Un touriste anglais sur la pente descendante me regarde avec l'oeil malicieux et me dit : "Allez, encore une heure et demie !" Je sais qu'il blague et là-dessus il ajoute : "Vous en avez encore pour 10 minutes et ce sont bientôt de grosses pierres plates." Je ne sais pas où il a vu les grosses pierres plates, mais pour les 10 minutes, il avait raison. Et là...

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Mais où sont les mouchoirs ? Trois tours majestueuses dominent une réserve d'eau laiteuse d'un bleu vert. De l'eau coule du glacier en face des tours laissant des traces dans la roche. Les bords de la cuvette ont des marques qui sont comme des invitations à mettre ses pas dedans pour y grimper. Il fait toujours aussi beau et la polaire reste accrochée à mon sac. Certes le soleil n'illumine pas les Torres comme je l'aimerais, mais elles prennent une couleur rosée qui contraste avec le gris-noir qu'elles dégageaient quand je les ai vues pour la première fois d'en bas. Déjà, elles me faisaient penser à une ébauche des Bourgeois de Calais. Le drapé des manteaux tombant est déjà sculpté, ne manque que le reste. Je les contemple pendant une heure. J'aimerais admirer et apprécier cette merveille de la nature plus longtemps, mais il faut retourner au camp de base. Là où il me restait 10 minutes à monter est assise une jeune femme avec son compagnon qui préfère rester debout. Elle a les jambes coupées et a décidé d'abandonner. Je lui affirme qu'elle ne peut pas abandonner à cet endroit, que le plus difficile est fait et que ce qui l'attend est la meilleure des récompenses. Trois minutes plus tard, je la vois qui se lève et repart !

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Jusqu'à El Chileno, il me faudra 1h45, prenant soin de regarder où je mets les pieds. Avoir un accident dans ce parc, c'est avoir au moins une garantie : les secours mettront du temps pour atteindre le randonneur abîmé. Je n'ai plus de jambes et certains endroits sont critiques. Mais il faut descendre. Pas de bus à l'horizon, encore moins de métro et pas de raccourci. Le chemin est le même qu'à l'aller. Ca descend quand ça montait en venant et ça monte quand ça descendait, ce qu'on oublie toujours très rapidement. Je rêve de plat, de pampa. J'ai l'impression que mes orteils se fondent dans mes chaussures. Les mêmes ponts à traverser, avec le même jeu d'équilibre à chaque fois et l'eau de la rivière qui bondit sur chaque rocher qu'elle croise en-dessous.

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Je me pose et me retourne. Séquence "La nature vous offre ses merveilles". Des nuages ont pris une forme de montagne, mais avec des arrondis que n'ont pas les sommets environnants. Deux teintes de gris apportent une douceur réconfortante face au noir de la roche voisine. Sur celle-ci un véritable décor de théâtre : des morceaux de rochers sont orchestrés de telle manière qu'ils forment une autre montagne en relief.

Il me faudra encore 1h30 entre El Chileno et le camping Los Torres. Ce qui me fait rentrer à 20h30. Ce dont je ne reviens pas, c'est le nombre de personnes que j'ai croisées au retour. Il était 19 heures, ils étaient encore loin du refuge El Chileno et ils montaient avec leurs énormes sacs. Sachant que le soleil se couche vers 22 heures. L'aventurière sage et réfléchie que je suis ne trouve pas cela très raisonnable !

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Commentaires
F
Mes doigts de pieds vont mieux, merci. Quant au W, il n'y a aucun mystère, ni aucune référence à quoi que ce soit. C'est le nom d'un trek dans le Torres del Paine, car il forme un W. Sauf que les deux premières branches du W étaient fermées quand j'y étais. Aucun lien avec Perec ni avec la clé de mon existence. Quant à la photo de moi dans le paysage, plusieurs touristes ont proposé de me la faire, j'ai toujours refusé. M'étant encombrée d'un pied photo dont je ne me suis toujours pas servi, peut-être pourrais-je l'utiliser pour me prendre en photo, mais je crois que le temps me manquera ! Quant à M. Tounsi, son français n'est certes pas au top, mais ses éloges sont si fréquentes que je ne m'en lasse pas. Bien à vous tous
M
très belle ta photo des chevaux !Alignement parfait des bêtes, comme à la Grade Nationale ! très étonnant. Est-ce l'étalon qui a fait s'aligner les femelles et les empêche de se déplacer en se mettant ainsi en travers derrière elles ?<br /> <br /> En tout cas, tu as des lecteurs et lectrices fidèles, et très intéressés - sinon intéressants. Ce monsieur hameslastounsi ne serait-ilo pas du Moyen-Orient ?<br /> <br /> Je dis, de tout coeur avec tous tes correspondants : " Pour Florence ! HIP HIP HIP HOURRAH ! "
E
Ton récit est toujours aussi palpitant et me rappelle que c'est ensemble que nous avons découvert quelques uns des paysages que tu évoques ci et là : valley of the gods, grand canyon...Que d'émotions...<br /> <br /> <br /> <br /> que magnificas son las tres torres...! encore un W sculpté par la nature. tu vas devoir en faire un album aussi..<br /> <br /> <br /> <br /> Comment vont tes doigts de pied? <br /> <br /> <br /> <br /> On t'embrasse et nos pensés t'accompagnent
S
MESSAGE A L'ATTENTION DE L'ELAN COUPé<br /> <br /> je constate, Monsieu l'élan, que vous maniez avec beaucoup de destérité la langue française. Il est évident, néanmoins, que vous avez besoin d'un ou deux cours de rattrapage pour parvenir à de plus hautes performances langagières. Seriez-vous d'accor pour communiquer par l'intermédiare de ce blog et que nous reprenions ensemble votre syntaxe ? Bien cordialement.
Y
à cause d'un emploi du temps trop chargé que je ne vous ai pas encore dit mon admiration pour votre blog. <br /> <br /> Un détail me titille cependant. Dans votre récit d'hier vous écrivez : " Je voulais le W, je n'aurais eu que la dernière branche." Ce W correspond-t-il à une formation géologique à laquelle vous avez déjà fait allusion, et il m'incomberait de reprendre vos textes depuis le début ( ce que mon emploi du temps surchargé ne me permet pas du tout ) ? Faites-vous référence au très joli texte de Georges PEREC " W ou le Souvenir d'enfance "en 1975. Le texte est un récit croisé, alternant une fiction (un chapitre sur deux, en italiques) et un récit autobiographique en apparence très différents.<br /> <br /> Au coeur de son texte, Perec déclare : " " Je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. " Peut-on dire que vous adhérez à cette déclaration ? Vous écrivez pour nous dire quelque chose de vous, que vous inscrivez très naturellement dans ce W mystérieux.<br /> <br /> Serait-ce une référence de votre part à une lettre- clef dans votre existence dont nous ne savons rien ? La lettre W ( une des moins utilisée de la langue française alors que l'on peut affirmer qu'elle pullule dans les pays anglo-saxons et en Pologne )est-elle représentative pour vous de la rareté qui rend une chose précieuse ? Pouvons-nous émettre l'hypothèse que cette mystérieuse lettre W est un code, un passeport, qui vous permet de parler de vous intimement sans nous endire plus ?<br /> <br /> Tel le Lapin dans Alice aux pays des merveilles, je vais être obligé de reprendre ma course contre le temps et de m'écrier : " « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! »<br /> <br /> Pardonnez-moi donc de vous quitter si brutalement. Une autre fois je vous consacrerai plus de temps. Mais là, la fin de la récré sonne et je dois vous abandonner dans ces lieux magnifiques d'où vous nous reviendrez,j'espère,emplie d'images, d'odeurs, de sons pour reprendre le cours de votre vie et de vos amours.<br /> <br /> Bien à vous.
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